Au début de 2020, Panera Bread a fait la manchetteen raison d’un nouveau concept inédit : l’abonnement au café. Pour 8,99 $ par mois, les abonnés pouvaient avoir du café à volonté. Cette initiative pré-pandémique s’est avérée très payante pour la chaîne de café nationale, qui a recruté 500 000 abonnés dès l’automne, soit un revenu garanti à un moment où rien n’était garanti.
Aujourd’hui, les restaurants se tournent vers le même modèle pour apporter une certaine stabilité à leurs affaires. Au restaurant de tapas de San Francisco El Lopo, le chef-propriétaire Daniel Azarkman a lancé ce mois-ci l’abonnement à son club de dégustation pour 44 $, en proposant un coffret qui comprend une bouteille de vin ou de sherry, ainsi qu’un ou deux en-cas. Les clients peuvent choisir la fréquence — une fois toutes les semaines, toutes les deux semaines ou toutes les quatre semaines — et chaque coffret est fait sur mesure pour le membre qui la reçoit. Les nouveaux abonnés remplissent un formulaire qui permet à El Lopo de connaître leurs restrictions et leurs préférences alimentaires, de sorte que chaque coffret donne l’impression d’avoir été composé par quelqu’un qui connaît vos goûts.
« J’aimerais que le programme devienne l’option par défaut pour nos habitués », explique M. Azarkman. « Toute personne qui nous rend déjà visite plus d’une fois par mois profiterait davantage de son expérience en s’inscrivant. »
En tant que modèle d’affaires, les abonnements remontent à des centaines d’années. Bien avant l’internet, les éditeurs de livres, de magazines et de journaux ont compris l’importance de facturer leurs clients sur une base mensuelle ou annuelle. Depuis environ une dizaine d’années, avec la prolifération des services en continu en ligne, les gens sont devenus de plus en plus habitués à voir apparaître chaque mois plusieurs frais récurrents sur leurs relevés de carte de crédit. Et s’il y avait encore des réticences à s’inscrire à plus d’abonnements que vous n’auriez jamais pensé en avoir voulu, la pandémie a dissipé ces hésitations, car les Américains coincés chez eux se sont abonnés en masse à des applis et à des services, notamment à des outils de vidéoconférence leur permettant de travailler à domicile et à des applis de remise en forme qui ont remplacé les séances au gym.
Après une longue et dure année de pivotements et de changements constants, les restaurateurs voient maintenant comment ce modèle d’affaires classique peut leur être bénéfique, ainsi qu’à leurs clients. Les pressions de l’année écoulée les ont obligés à trouver de nouvelles sources de revenus tout en adaptant les concepts de leurs menus pour qu’ils puissent bien fonctionner en tant que plats à emporter . Cette combinaison inhabituelle de facteurs a conduit les restaurateurs à réaliser ce que les éditeurs savaient depuis longtemps : non seulement les abonnements peuvent contribuer à stabiliser leurs revenus, mais ils peuvent aussi fidéliser la clientèle, en plus d’attirer de nouveaux clients réguliers en même temps. Parmi les autres avantages, citons le fait de leur permettre de tester de nouvelles idées auprès d’un petit public amical composé de leurs fans les plus dévoués, tout en offrant à ces habitués passionnés un moyen formel de soutenir les restaurants qu’ils souhaitent voir prospérer.
Une expérience VIP pour emporter
Azarkman, d’El Lopo, savait qu’il avait besoin d’idées pour que le restaurant continue de fonctionner lorsque tout s’est arrêté l’année dernière. « Nous avons fait quelques changements et essayé de faire des choses créatives, y compris un passage à la vente au détail. Nous n’avions pas envisagé quelque chose où les clients nous payeraient régulièrement », se souvient-il.
Mais lorsque Vivien Sin, fondatrice de « The Third Place », a contacté El Lopo pour qu’il rejoigne sa nouvelle plateforme qui aide les restaurants à proposer des abonnements, le déclic a été immédiat. Mme Sin explique qu’elle a eu l’idée de créer « The Third Place » parce qu’« il n’existe pas beaucoup d’outils qui permettent aux entreprises indépendantes de diversifier leurs revenus. »
Azarkman a eu le courage d’essayer les abonnements lorsque la pandémie a frappé. Pour rester à flot pendant la fermeture d’El Lopo, il a commencé à vendre des porrons — des pichets à boire espagnols pour lesquels le restaurant est connu — pour 250 $, 500 $ et 1 000 $. Les acheteurs recevaient les porrons ainsi qu’un crédit pour de futurs repas au restaurant. « Nous avons payé notre loyer pendant des mois grâce à cela, et j’ai vraiment vu à quel point nos clients étaient prêts à nous soutenir », dit-il.
La chaîne américaine BJ’s Restaurant & Brewhouse a essayé quelque chose de similaire cette année. La société compte plus de 200 établissements, dont 58 en Californie qui sont en train de piloter un nouveau club de bières par abonnement. Les membres viennent chercher une sélection de bières spéciales, qui ne sont pas disponibles dans les restaurants, tous les deux mois pour 30 $. Ce sont des bières en petits lots vieillies en baril pour les membres seulement. La manœuvre a permis aux habitués de rester connectés au restaurant pendant une période où les gens n’ont pas mangé aussi souvent à l’extérieur, explique Kevin Mayer, directeur général du marketing de BJ’s.
De nouvelles raisons de manger au restaurant
Les plats à emporter ont été d’une importance vitale depuis un an maintenant, mais les restaurateurs pensent déjà à l’avenir post-pandémie et veulent accueillir de plus en plus de clients à l’intérieur à mesure que les restrictions s’assouplissent. Cela ne signifie pas la fin des programmes d’abonnement, selon MM. Mayer et Azarkman. En fait, ce n’est probablement que le début. « Une source de revenus supplémentaires a toujours été une bonne idée pour un restaurant, pandémie ou pas. La pandémie a simplement obligé tout le monde à prendre du recul et à évaluer le modèle à partir de zéro », explique Mme Sin.
Par exemple, El Lopo a toujours eu un article dans son menu appelé « Occupez-vous simplement de moi. » Lorsqu’un client choisit cette option, il a une conversation avec son serveur sur ce qu’il aime et n’aime pas, son niveau d’appétit et son budget. « À partir de ce moment-là, on s’occupe de tout », dit M. Azarkman. La deuxième option d’abonnement d’El Lopo, le club « Occupez-vous simplement de moi. », une version de l’abonnement où l’on mange au restaurant, va plus loin dans le concept. Pour 89 $ par mois, les membres reçoivent 100 $ de crédits de nourriture et de boisson. « Ils n’ont jamais à voir un menu ou à payer une facture sur place », précise M. Azarkman. « Lorsque nous les voyons entrer, nous commençons simplement à leur envoyer de la nourriture. » Comme pour le coffret, les sélections sont personnalisées en fonction du formulaire d’inscription du membre. Tous les crédits non utilisés sont reportés.
Le club de bières de BJ’s comprend également des avantages particuliers lors des repas pris au restaurant, y compris des surclassements de bières de 16 onces à 20 onces et une entrée et un dessert gratuits par mois. Tout ceci a aidé à ramener les membres dans le restaurant, selon M. Mayer.
Les habitués, redéfinis
Les abonnements offrent également aux clients la possibilité d’offrir un soutien régulier à leurs restaurants préférés. La pandémie a révélé à quel point une entreprise en restauration peut être fragile, et les gens sont maintenant pleinement conscients que les restaurants ont besoin de leurs visites répétées pour survivre. « Il y a une conscience sous-jacente parmi les consommateurs de la façon dont ils affectent les restaurants », explique Mme Sin. C’est une des raisons pour lesquelles elle a créé « The Third Place ». Dès le début, M. Azarkman a été étonné par la volonté de ses clients de soutenir El Lopo.
Ce qui ne veut pas dire que les abonnements aux restaurants ne profitent pas autant aux clients qu’aux restaurants. « L’une des bonnes surprises [du club de bières] est que nos membres ont passé plus de temps dans nos restaurants pour profiter des avantages exclusifs depuis leur adhésion », déclare M. Mayer à propos de BJ’s. L’accès exclusif à leurs plats et boissons préférés a une réelle valeur pour les clients. BJ’s prévoit étendre le programme à d’autres établissements plus tard cette année.
Au fur et à mesure du déploiement des vaccins et de la levée des restrictions de capacité, les abonnements et les adhésions donneront aux clients encore plus de raisons de sortir et de célébrer. C’est en pensant à cet avenir plus convivial que M. Azarkman a ajouté l’un des avantages les plus amusants au club « Occupez-vous simplement de moi. » d’El Lopo : le pouvoir de faire des cadeaux. « Les membres peuvent faire envoyer une boisson gratuite à un étranger ou une étrangère chaque fois qu’ils viennent au restaurant », explique-t-il.